LA découverte en 1830 d’une grande nécropole gauloise près du Moulin Ferrant indique une occupation très ancienne du territoire de la commune. Certains éléments permettent de conclure à la présence d’une importante communauté gallo-romaine sous le règne de Postume, général romain qui gouverna la Gaule de 260 à 269. On ignore si, à l’époque, un temple existait, mais il aurait été dédié aux divinités romaines comme ce fut le cas à Bayeux par exemple. Avec la montée du christianisme, peut-être a-t-il été érigé une église primitive en bois ou en pierres détruite par la suite ? Toujours est-il qu’au XIIIe siècle, l’église existait puisque le 19 mars 1293 le sieur Robert Dumesnil, seigneur de La Cambe, en a fait don ainsi que des dîmes de la paroisse au Plessis-Grimoult (monastère de l’ordre des Augustins, proche de Bayeux).
L’édifice a la forme traditionnelle d’une croix en hommage évident au supplice subi par le Christ. Actuellement, elle se compose d’une nef, d’un chœur et d’un transept occupé par deux chapelles nommées respectivement « des Terres » et « de Jucoville », Dans cette dernière, située au sud, se trouvait le tombeau de l’abbé Le François, conseiller au Parlement de Rouen et à la demande duquel avait été bâtie la chapelle du château de Jucoville, joyau encore visible de nos jours. Ce monument funéraire occupait tout le fond de la chapelle sud et sur le dessus, un gisant de très belle facture représentant l’abbé Le François a été vandalisé en 1829. Signalé par Arcisse de Caumont à M. le vicomte de Cussy, le monument funéraire fut restauré grâce aux fonds de la Société Française d’Archéologie mais a disparu de nos jours. L’église actuelle conserve relativement peu de parties construites au XIIIe siècle. Il est vraisemblable qu’elle a dû souffrir, à la fin du XIVe siècle, de la période difficile endurée par les habitants « écrasés de charges, épuisés et ruinés qui durent subir une nouvelle épidémie (de peste ?) ». Mais c’est à la Révolution que l’église a supporté le plus de dommages.>
En 1793, pendant la Terreur, elle a été pillée puis a servi de caserne, d’école, de magasin à fourrage pendant que les membres du club révolutionnaire haranguaient la foule du haut de la chaire.
Le 10 juin 1822, Charles, évêque de Bayeux demanda un inventaire de ce qui restait et des travaux à entreprendre pour la restauration d’un lieu de culte. Le maire, M. de Cussy, M. Leforestier, curé de Grandcamp et les marguilliers, membres de la « Fabrique » (assemblée de notables élus) se mirent rapidement à la tâche puisque le 14 du même mois, le document lui fut rendu. Les travaux se révélèrent importants : si les murs étaient encore en bon état, les couvertures, en particulier au-dessus de la nef présentaient des trous béants à réparer. Cette urgence fut tout de suite passée en bannie de même que le blanchiment des murs, mais une ordonnance de l’évêque en date du 21 juin 1822 prévint que si les travaux n’étaient pas entrepris rapidement, aucun curé ne serait nommé et l’église fermée. Malheureusement, les réparations aussitôt réalisées ne suffirent pas : en 1830, le curé adressa à M. de Cussy une lettre pour demander la remise à neuf (en ardoises) du toit de la nef couverte de paille et dont la charpente se trouvait en très mauvais état, la restauration de trois fenêtres du chœur, le remplacement d’objets du culte et la refonte de la cloche. La Fabrique finança de grosses réparations pour une somme de 7 130,60 F (ce qui créa un déficit de 4 713,85 F dans son budget) mais la nef n’en faisait pas partie. En ce qui concerne la cloche, une souscription rapporta 601,75 F somme insuffisante de 550 F. Mais la cloche fut fondue par le sieur Bailly, fondeur à Caen.. En 1832, toujours pas de toit étanche pour la nef, alors le curé Daniel écrivit au Grand Vicaire et ce n’est qu’en 1834 que les paroissiens purent enfin venir entendre la messe en toute sécurité — et sans parapluie ! D’autres travaux furent effectués parallèlement au presbytère et au cimetière. En 1837, le chœur bénéficia d’une toiture neuve.
Citons Arcisse de Caumont : « La partie supérieure de la tour, qui est en pierre et d’une forme très-défectueuse, a été rétablie en 1758 ». On peut penser que le clocher figurant sur le document a été démonté lors de la « reconstruction partielle » de l’église en 1900. Les cartes postales suivantes, (celle de gauche postée en 1909) montrent le déplacement du clocher au-dessus du portail d’entrée. Il s’est d’abord agi d’une base à peu près carrée, flanquée de la tourelle d’accès d’origine avec son escalier hélicoïdal menant à une simple trappe qui permet toujours d’atteindre le toit de l’étage visible actuellement et plus tardif. Si aucune flèche n’est présente, c’est, d’après certains Cambais, parce que l’assise ne l’aurait pas supportée.
L’église vers 1909 L’église au début du XXe siècle
Au sommet de l’escalier, dans la tour, il faut monter sur une échelle et passer par la trappe pour arriver sur le toit couvert de plaques de zinc dont la tempête de 1999 en avait arrachées quelques unes.
L’escalier hélicoïdal La trappe et l’échelle
Les années passent, la première guerre mondiale ne fait pas trop de dégâts, mais il n’en fut pas de même de la seconde ! En 1944, La Cambe est libérée de l’occupation allemande le 8 juin par le 175e régiment de la 29e division US et par le 747e bataillon de chars. Mais dans la nuit suivante, un avion allemand bombarde la commune et l’une des bombes détruit complètement le chœur de l’église.
Laissons la parole à l’abbé Brune, curé de La Cambe, témoignage extrait du Journal paroissial, cité p. 203 dans l’ouvrage « En Juin 44, j’avais ton âge » édité par la commune pour le soixantième anniversaire du Débarquement. « Dans la journée (du 8 juin) l’artillerie tirant du château (de Jucoville) et de Monfréville essaya d’abattre l’église, mais leur tir, toujours trop court ou trop long, ne put atteindre le but désiré. Mais en revanche, dans le courant de la nuit du 8 au 9, vers minuit, un avion allemand lâcha quatre torpilles, trois tombèrent dans les champs, mais la première tomba à l’entrée nord du cimetière, tout près de la sacristie, arrachant les morts de leurs tombeaux, pulvérisant la sacristie et le chœur de l’église et tout ce qu’il contenait, entre autre un magnifique autel orné de cuivre repoussé fourni par la maison Tardif à Caen, anéantissant tous les communs du presbytère, arrachant portes, fenêtres, couverture, cloison, abîmant le mobilier. Les pilleurs de leur côté, Français et Américains, firent une sale besogne les jours suivants, en enlevant quantité d’objets. »
Les dégâts sont considérables et le chœur ne sera rebâti que dans les années 50. Dans l’intervalle, on célébrait la messe dans un baraquement en face de l’école tandis que le curé habitait le logement de l’école qu’aucune institutrice ne consentait à occuper..
Je tiens à remercier le père Dominique Dauzet de l’abbaye de Juaye-Mondaye pour la permission qu’il nous a accordée de consulter les archives épiscopales et Mme Josette Sachy pour les cartes anciennes qui m’ont permis ce retour dans le passé de l’église. Les photos actuelles sont de Christine Paris et Bernard Lenice. Celle du toit a été prise par Alain Carle.